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ARCHIVES - LE HAVRE   FR / EN
Vue du port du Havre, début XIXe (5Fi120)
Exposition numérique

Esclaves, commerce et liberté

Le Havre, XVIIe - XIXe siècles

Quatre siècles de traite, 12.5 millions d’Africains déportés

Ce sont les Portugais qui ont initié la traite* transatlantique. L’historien portugais Gomes Eanes de Zurara (1410- 1474), contemporain des événements, indique dans ses Chroniques de Guinée (1453) que le commerce des esclaves* africains a débuté au Portugal en 1441. Dès 1444, s’ouvre le marché aux esclaves de Lagos, en Algarve, dans le sud du pays. Avant même la découverte de l’Amérique (1492), des esclaves africains sont exploités par les Portugais dans les plantations* de canne à sucre des îles de Madère, des Açores et du Cap-Vert. La canne à sucre est introduite au Brésil, colonie* portugaise, dès le début du XVIe siècle. Dès lors, avec son développement sur le continent américain, de grands besoins de main-d’œuvre agricole apparaissent. Espagnols et Portugais exploitent d’abord les Amérindiens* mais ceux-ci sont décimés au cours du XVIe siècle suite à la conquête et aux épidémies importées par les Européens.

 

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Le premier convoi d’esclaves africains arrive au Brésil dès 1526 (Greta Weber, 2015). Rapidement, la traite négrière devient la principale source de main-d’œuvre des planteurs. En effet, l’esclave africain, adapté au climat tropical, est résistant, efficace et disponible en grand nombre. Le commerce triangulaire* relie, dès le XVIe siècle, l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Les navires européens voguent vers les côtes africaines chargés de marchandises de traite : métal, armes, alcool, tissus, verroterie. Ces marchandises, appelées pacotille* servent de monnaie d’échange sur les marchés aux captifs*. Le navire négrier* traverse ensuite l’Atlantique avec généralement plusieurs centaines d’esclaves à son bord. Une fois les Africains débarqués aux Antilles ou sur le continent américain, les navires ramènent en Europe des produits des colonies : sucre, café, cacao, coton, tabac, indigo, etc. provenant des plantations et donc du travail des esclaves. Ces expéditions, de l’Europe à l’Afrique, de l’Afrique à l’Amérique puis de l’Amérique à l’Europe, durent au total souvent de 18 mois à 2 ans.

 

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Les ports négriers européens

À partir du XVIe siècle, un basculement du grand commerce de la mer Méditerranée vers l’océan Atlantique s’effectue. À l’échelle européenne, les ports britanniques de Liverpool, Londres et Bristol ainsi que le port français de Nantes sont les principaux points de départ des expéditions de commerce triangulaire*. Pour la France, Le Havre, associé à Honfleur, vient en deuxième position en nombre d’expéditions après Nantes.

 

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Cependant deux grandes puissances esclavagistes, le Portugal et l’Espagne, sont sous-représentées dans le commerce triangulaire au regard du nombre d’esclaves utilisés dans leurs colonies*. En effet, le Portugal pratique un commerce en droiture* entre sa colonie du Brésil et les côtes africaines. En tout, 3,9 millions d’Africains sont déportés au Brésil. Les ports portugais ont donc une activité faible comparée à ce nombre d’esclaves. De même, l’Espagne achète des esclaves à d’autres puissances européennes. Son implication dans la traite* atlantique ne peut être réduite à la seule activité du port de Cadix.

Les lieux de la traite

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Pour organiser un commerce des captifs* plus efficace, les Européens s’appuient sur les chefs et rois des côtes africaines. Ces tribus et royaumes africains tiennent des marchés où ils vendent aux Européens des prisonniers capturés à l’intérieur des terres lors de razzias*. Les Européens attisent les divisions entre tribus. Par la vente des hommes, les chefferies* cherchent à se procurer des armes à feu auprès des Européens.



Ci-contre : "Commerce des esclaves", gravure extraite de François Froger, Relation d’un voyage aux Côtes d’Afrique, 1699, Bibliothèque municipale du Havre, 35864.

Les conséquences démographiques, politiques et psychologiques de la traite en Afrique sont considérables. L’arrière-pays a vécu durant trois siècles dans la peur de ces razzias. Les royaumes côtiers africains se développent et captent les flux commerciaux au détriment de l’intérieur du continent qui se dépeuple.

 

 

 

 

 

 

 

Saint-Louis du Sénégal, un comptoir français

Sur les côtes africaines, des comptoirs*, lieux de commerce et de transit des captifs se développent. C’est le cas du port de Saint-Louis du Sénégal fondé par les Français au XVIIe siècle. Saint-Louis présente un site adapté à cette activité, une île à l’embouchure du fleuve Sénégal, à la fois proche du continent mais protégé par son insularité. À la fin du XVIIIe siècle, Saint-Louis compte 5 000 habitants environ dont 700 européens, 2 400 Africains libres et 2 000 « esclaves de case », qui servent leurs maîtres à Saint-Louis. Il faut y ajouter un nombre fluctuant d’esclaves* en transit avant la traversée vers l’Amérique.

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Ci-dessus : "Plan de l’île de Saint-Louis (Sénégal)", dans Jean-Baptiste Labat, Nouvelle relation de l’Afrique occidentale, Paris, éditions Cavelier, 1728, tome 2.

Les colonies d'Amérique

C’est en Amérique vers les possessions européennes de la zone tropicale que les Africains sont déportés. Ces colonies sont mises en valeur dans l’intérêt de la puissance coloniale. Les investissements proviennent d’Europe et les revenus profitent à des négociants* en Europe. De ce fait, les exploitations agricoles coloniales ou habitations* sont bien différentes des fermes européennes. Il s’agit d’une agriculture commerciale d’exportation dont la production est avant tout destinée au marché européen.

Le climat tropical des Antilles mais aussi d’autres colonies* françaises comme celles de l’Océan Indien, permet de cultiver la canne à sucre, le cotonnier, le caféier, le tabac, etc. et de développer les plantations*.

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Glossaire

Amérindien (ou Indien d’Amérique) : Personne appartenant à une population autochtone d’Amérique qui occupait ce continent avant l’arrivée des Européens.

Captif : Homme fait prisonnier après une expédition guerrière.

Colonie : Territoire conquis et administré par un état en dehors de ses frontières et étroitement lié économiquement à la métropole.

Commerce en droiture : Commerce colonial en ligne droite entre les ports européens et les colonies sans pratique de traite.

Commerce triangulaire : Ensemble des échanges appuyés sur la traite négrière atlantique. Les navires européens (bateaux négriers) se rendent sur les côtes africaines pour y échanger des produits et objets contre des Africains captifs. Ceux-ci sont ensuite transportés par bateaux pour être revendus à des propriétaires terriens dans les îles des Antilles ou sur le continent américain. Les navires négriers rentrent ensuite en Europe en rapportant, dans leurs cales vidées des esclaves, les produits tropicaux des colonies : sucre, café, cacao, rhum, tabac, indigo…

Comptoir : Place d’échanges commerciaux entre indigènes et Européens, souvent maritime ou fluvial, lieu de résidence d’un chef local.

Esclave : Personne en état de soumission absolue à un maître. Assimilé à un bien, l’esclave peut être acheté et vendu.

Habitation : Exploitation agricole, tournée vers la production de denrées tropicales, essentiellement le sucre et le café.

Négociant : Personne qui, grâce à sa richesse, se livre à une activité commerciale d’achat et vente de produits pour en tirer des bénéfices.

Négrier : Européen qui se livre au commerce des esclaves noirs.

Pacotille : Objets divers manufacturés ou non, tels tissus, perles de verre, miroirs, armes, barres de métal, alcool, poudre à canon, servant de monnaie d’échange contre des captifs.

Plantation : Synonyme d’habitation.

Razzia : Expédition guerrière de pillage aboutissant à la capture de prisonniers.

Traite négrière : Commerce d’esclaves dont les victimes étaient des populations noires.

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